L'arrivée de mes ancêtres en Algérie 1842-1920
Il faut partir d’une constatation, nos origines (les miennes, celles de mes frères, de mes enfants et des leurs) sont multiples : françaises, italiennes, espagnoles et baléares, allemandes.
L’arrivée de nos ancêtres en Algérie s’étale sur une période allant de 1842 jusqu’au début des années 1920, le dernier arrivé étant Hubert Henri Maria GASTAUD, mon grand-père paternel, probablement au début des années 1920 (je n’ai pas retrouvé de document me permettant d’être précis) en août 1922, les premiers étant les SALICHON, avant le 23 octobre 1842 : à cette date en effet décède à Philippeville, Sophie SALICHON ; le 30 mai 1841 est née, à Saint-Etienne, sa sœur Thérèse, Maximilienne SALICHON. Nous pouvons donc dater l’arrivée de la famille SALICHON à Philippeville entre ces deux événements.
La famille VISCIANO est déjà présente avant janvier 1843 où l’on constate la naissance de Marzia à El Biar (ses aînés ont vu le jour en Italie).
La famille RECKTENWALD est déjà installée à Alger le 7 septembre 1843 : Johann Georg RECKTENWALD décède ce jour-là chez lui ; le 9 février de la même année, son aîné Johann s'était marié à Urexweiler (Prusse), proche de la Lorraine et du Luxembourg, et le premier fils de celui-ci naîtra à Alger en 1844. On peut donc estimer leur arrivée pendant l'été 1843.
Les MEISER, originaires de la même région de Prusse, sont arrivés avant le 24 février 1848 : Pierre MEISER épouse en effet à cette date Anna Maria RECKTENWALD, à Mustapha. L’arrivée des frères Jean (Johan) et Pierre (Peter) MEISER à Alger est donc à dater d’avant 1848, peut-être eux aussi en 1843, mais aucun événement n’a été encore retrouvé où l’un des deux soit cité avant ce mariage.
La famille TRIAY est présente à La Rassauta, commune proche d’Alger qui a plus tard été scindée en Fort-de-l’eau, Rouïba et Maison-Blanche, avant le 21 novembre 1857, date de l’union de Juan Manuel Mangin TRIAY, né aux Baléares, et Antonia FERRER, née en Espagne continentale.
La famille ESCALES : le premier acte, concernant l'aîné (Jacques né vers 1845) de la fratrie de Jean, né lui-même en 1862 probablement à Santany, est le mariage de cet aîné le 9 août 1867 à Bordj-Ménaïel.
Aucune information à ce jour ne permet de savoir quand la famille est arrivée de Minorque.
La famille GARNIER : Delphin est arrivé avant le 21/09/1899, date de son mariage avec Caroline MEYZER. Il est natif de Haute-Saône comme sa famille maternelle, sa famille paternelle étant originaire de Senaide, dans les Vosges. L’histoire raconte que, instituteur très sévère, il aurait partiellement arraché une oreille d’un de ses élèves en Haute-Saône et qu’il serait parti en Algérie à la suite de ça.
Marie, Philomène BOURQUARD, née en Haute-Saône, a épousé Louis DEGAND en 1855, dont elle aura trois enfants. Celui-ci décède en 1861. Elle se remarie en 1864 avec François SALICHON, fils de Claude, avec lequel elle aura cinq enfants, dont mon arrière-grand-père Claude, né à Philippeville le 22 août 1865, et dont on perd la trace après son divorce d’avec Augustine RETIF en 1912. Les actes éventuellement numérisés pour les années ultérieures à 1904 n’étant pas indexés, et personne dans la famille n’ayant transmis la moindre information le concernant, nous ignorons hélas totalement ce que Claude est devenu après ce divorce. Début 2018, l'obtention de son acte de décès date celui-ci du 13 octobre 1920 à Philippeville ; il était alors comptable.
Marie, Louis RETIF, né à Bourges en 1833, épouse le 29 août 1863 Marie Rosalie SAINT-PERE à Philippeville. Une de leurs filles, Augustine, épouse Claude SALICHON en 1893.
La famille SAINT-PERE : en 1842 naît Marie Rosalie en Haute-Saône ; le 08/01/1863, son père Jacques décède à Philippeville. On ne trouve pas d'acte entre ces deux dates.
Un peu plus d’infos
Le 30 mai 1841 est née, à Saint-Etienne, Thérèse Maximilienne Salichon. Le 23 octobre 1842 décède à Philippeville, 30 Rue Royale, Sophie Salichon, née le 3 juin 1840 à Saint-Etienne. On peut en déduire l'arrivée de la famille de Claude Salichon et Marie Thérèse Bonaudi (ou Bonnande, ou Baunodo, selon les actes), leurs parents, entre juin 1841 et octobre 1842.
À Saint-Etienne, Claude SALICHON est cabaretier et passementier. En avril 1834, il est recherché, accusé d’avoir fomenté une insurrection, puis bénéficie d’un non-lieu, faute de preuves suffisantes. Il semblerait qu’il soit auparavant allé en Italie, où il aurait épousé Marie-Thérèse, aucun acte de mariage n’ayant été retrouvé les concernant à Saint-Etienne et communes limitrophes, à moins que le mariage ait été célébré dans une petite commune, sachant qu’à l’époque de nombreux Italiens venaient dans la région pour y travailler… Leur premier enfant, Michel, naîtra en 1828.
On peut imaginer qu’après ses démêlés avec la justice, même s’il a été blanchi, l’occasion de partir refaire sa vie en Algérie a été plus forte que l’attachement à la région, beaucoup de SALICHON étant stéphanois, nombreux aussi sont ceux que l’on retrouve à La Séauve sur Semène et Saint-Didier en Velay, en Haute-Loire, mais à ce jour, je n’ai pu établir de lien entre ces ancêtres et les SALICHON de Saint-Didier.
En octobre 1844 est attribuée à Claude Salichon une concession au village Valée, annexe de Philippeville, concession qui sera confirmée comme définitive en mars 1848. Selon le document d’attribution définitive, il aura construit entretemps une maison d'une valeur estimée à 8000 francs, défriché toutes les terres qui lui ont été attribuées, entouré sa concession d'un fossé de séparation, ensemencé six hectares, mis le reste en prairie, respecté les arbres de haute futaie, greffé 200 oliviers sauvages, planté mille pieds de vigne et six cents arbres fruitiers. Les dépenses totales sont estimées à 10.500 francs. Il devra s'acquitter, en plus des impôts, d'une redevance annuelle de 27.73 francs.
À explorer la liste des décès survenus à Alger de courant août à octobre 1843, on constate que beaucoup sont survenus à l'hôpital ou au domicile, éventuellement après un séjour à l'hôpital, touchant des gens arrivés d'Alsace, de Lorraine et de la région prussienne de Trêves. Quatre membres de la famille Recktenwald en font partie : les parents et leurs deux plus jeunes enfants.
Compte tenu du nombre de défunts originaires de ces régions dans le registre des décès d’Alger au cours de cette période, j'imagine un bateau d'émigrants sur lequel serait survenue une épidémie, mais à ce jour, je n'en ai pas trouvé confirmation.
À ce moment probablement, arrivent de la région de Trêves, en Prusse, à quelques lieues de l'Alsace-Lorraine et à proximité du Luxembourg, plus précisément originaires d'Urexweiler, tous les membres (on peut le supposer) de la famille Recktenwald.
Le père, Johann Georg Recktenwald, est né à Urexweiler le 08/12/1784, fils de Peter Recktenwald et de Elisbeth Brück, tous deux d'Urexweiler. Il a épousé le 31/08/1821 Johanetta Wilkin (Vilquine) née à Michelbach (Prusse) le 08/09/1898, de Philipp Wilkin et Elisabeth Burckard, tous deux de Michelbach. Il semblerait que les Vilquine soient d’origine française, probablement protestants ayant fui la France vers la Belgique, puis la Prusse. Je n’ai pas suffisamment exploré cette possibilité pour en être certain, cependant.
Leurs enfants sont, selon une fiche familiale provenant de l'état-civil allemand :
Johann, né le 01/05/1822 à Urexweiler
Jakob, né le 02/08/1823 à Urexweiler
Heinrich, né le 26/02/1825 à Urexweiler
Nikolaus, né le 05/10/1826 à Urexweiler
Anna Maria, née l 22/06/1828 à Urexweiler
Anna, née le 09/02/1830 à Urexweiler
Johann Georg, né le 10/08/1831 à Urexweiler
Wilhelm, né le 16/08/1833 à Urexweiler
Friedrich Wilhelm, né le 28/03/1835 à Urexweiler où il est décédé le 06/01/1840
Johann, né le 06/02/1837 à Urexweiler
Barbara, née en avril 1842 à Urexweiler (date calculée à partir de son âge lors de son décès).
À noter que sur plusieurs actes, le lieu de naissance est "Alsweiler", situé à quelques kilomètres d'Urexweiler, peut-être rattaché depuis.
Le 9 février 1843, l'aîné, Johann, épouse à Urexweiler Katharina Hinsberger, du même lieu. On peut supposer qu'ils sont du voyage en Algérie, puisqu'elle met au monde Nicolas, le 14/02/1844 à Alger.
Le 7 septembre 1843, le père, Johann Georg Recktenwald, décède chez lui à Alger, rue Babazoun, maison Vialar.
Le 14 septembre c'est au tour de Barbara, la dernière-née, de décéder au domicile également.
Le 21 septembre, la mère, Johanetta Wilken (orthographié Wilnen sur l'acte) décède à son domicile, puis, le 17 octobre, le plus jeune Johann décède à l'hôpital, après y être entré le 7 octobre.
On peut imaginer que les aînés ont temporairement pris en charge les plus jeunes, mais en 1848, lorsque Anna Maria épouse Pierre Meiser, elle est domiciliée à l'établissement des orphelines de Mustapha.
Le cadet Jakob s'étant marié le 26 décembre 1845 à Illingen (Prusse), il n'y a pas de trace d'un éventuel passage de celui-ci à Alger. On peut partir sur deux hypothèses : soit il n'est pas venu en Algérie, soit il en est reparti suite au décès de ses parents.
Heinrich, le troisième fils, se marie en 1847 à Mustapha. En 1848, il est témoin du mariage de sa sœur avec Pierre Meiser. Son décès en 1868 n'est mentionné que sur l'acte de remariage de sa veuve, le registre de la période de son décès étant absent.
Anna est également domiciliée à l'établissement des orphelines de Mustapha, lors de son mariage avec Pierre Orluc, en 1848.
L'arrivée en Algérie de Pierre et Jean MEISER ne peut être datée que par leurs mariages respectifs, les 24/02/1848 et 13/04/1848 à Mustapha.
Marzia Visciano est née à El Biar le 15 janvier 1843 ; ses aînés sont nés à Torre del Greco (Italie), dont François en 1840, ses frères et sœur cadets naîtront à Birkadem, dont Maria le 06/05/1856, qui épousera Jean Georges "Tranquille" MEYZER, fils de Pierre MEISER et Anna Maria RECKTENWALD (à noter que le nom est orthographié RECTENWALD sur les registres de l’état-civil algérien). On peut donc en conclure que la famille VISCIANO est arrivée en Algérie entre 1840 et 1842.
Selon Pierre Caratero, cousin éloigné et auteur de "Les centres de Peuplement et de Colonisation de Grande Kabylie", la famille Escalès-Bonet fera partie des prisonniers des Kabyles à Bordj-Ménaïel lors de la révolte de 1871. Mathieu Escalès était gérant de ferme, et n’étant pas naturalisé français n'a donc de ce fait pas eu droit à une concession. Curieusement, son petit-fils Mathieu né en 1895 à Bordj-Ménaïel sera récusé au Conseil de révision au prétexte d'un père étranger, puis incorporé : 2 livrets militaires sont à son nom. Mais ce qui est le plus curieux, c'est que son frère Jean et lui portent les numéros 1 et 2 de la première partie de la liste en 1917, leurs livrets listant leurs affectations, et que l'enregistrement rayé pour "père étranger" porte le numéro 7, sans précision de la partie de la liste de la même année, avec le même numéro matricule.
Après avoir été relogée à Maison-Blanche, la famille Escalès retournera quelques années plus tard, entre 1893 et 1898, à Bordj-Ménaïel puis Jean réussira à acheter une propriété de 15 hectares, gérée jusqu'à l'indépendance par ses fils et petits-fils.
L'aîné de Mathieu Escalès et Inès Bonet, Jacques Joseph, se marie le 9 août 1867 à Bordj-Ménaïel : il s’agit du premier acte attestant de la présence en Algérie de la famille Escalès-Bonet.
Pierre Caratero cite cependant le fait que Mathieu (nommé Jean par erreur), gérant de ferme, aurait en 1864 été proposé comme adjoint de la commune de Bordj-Ménaïel par les colons, mais récusé car espagnol non naturalisé.
Les actes de mariages ou décès des enfants de ce couple montrent que tous, jusqu'à Mathieu en 1859, sont nés à Santany (Minorque - Baléares). Seul Jean, né en 1862, a un lieu de naissance à ce jour indéterminé faute de disposer d'un acte le précisant, et les date et lieu de naissance de Jacques Joseph, l’aîné de la fratrie, sont également indéterminés.
Il faut prendre en compte le fait que les registres d'état-civil de Bordj-Ménaïel n'ont jamais été numérisés et qu'il est fort probable qu'ils aient été détruits lors du très fort tremblement de terre survenu en 2003. Seules les archives du diocèse d'Alger, conservées par les Sœurs Clarisse de Nîmes, peuvent en partie lever le voile sur les lieux d'origine de certains de ces ancêtres.
En ce qui concerne la branche Triay (Antonia née à La Rassauta, épouse de Jean Escalès), on note le mariage de ses parents le 21 novembre 1857 à La Rassauta, ceux-ci étant nés lui aux Baléares et elle en Espagne.
Hubert Gastaud est donc le dernier à rejoindre l’Algérie, probablement au tout début des années 1920 fin août 1925, selon son livret militaire. Originaire de Soleilhas, bon élève, il avait été recruté par les curés et envoyé dans un séminaire (cela faisait une bouche de moins à nourrir pour les parents) pour y faire ses études.
N’ayant peut-être pas envie de devenir curé, il quittera le séminaire pour s’engager ensuite, le 3 septembre 1915, et faire la guerre de 14-18. Il sera blessé (gazé ?) fin octobre 1918. Après la fin de la guerre et une fois plus ou moins remis, il s’engagera dans la gendarmerie, sera gendarme à cheval puis à pieds et sera envoyé en Algérie fin août 1922, où il rencontrera Jeanne Escalès. Jeanne (surnommée bien plus tard Nane) était couturière et, s’étant rendue en train chez une cliente, aurait été remarquée à sa descente du train par Hubert qui a appris par une de ses connaissances qui elle était. Amoureux d’elle, il lui a alors écrit pour lui déclarer sa flamme et, si j’ai bien compris, au fil des échanges épistolaires, sa prose a rapidement convaincu Jeanne qui à son tour est tombée amoureuse. Il se marieront à Bordj-Ménaïel en décembre 1925. Mon père naîtra dix mois plus tard.
Souffrant de séquelles liées à ses blessures (aux gaz ?), Hubert quittera la gendarmerie en 1936, en retraite anticipée, et aura un emploi réservé près de Tours, en Indre-et-Loire, ce qui lui permettra de se faire suivre à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris. Il partira seul, sa femme et ses enfants restant à Bordj-Ménaïel pour des raisons non élucidées. Il décèdera à Tours, loin des siens, en avril 1937. Il sera inhumé à Saint-Pierre-des-Corps, puis son cercueil sera ramené à Cuers (Var) vers la fin des années 1960.